Architecte - Ricardo Bofill
Construction - 1974
Au sud de Barcelone, à deux pas de l'autoroute de Madrid, les 500 premiers logements de "Walden 7" ont surgi du site abandonné d'une ancienne cimenterie. Comme une forteresse ? une cathédrale ? en tous cas un monument d'un nouveau genre, qui n'est pas l'affirmation d'un pouvoir, mais renvoie à la collectivité urbaine l'image de sa propre force. Le revêtement extérieur en terre cuite donne la couleur, puissante et comme naturelle. La ville est faite de milles libertés conjuguées comme le sont ici, pour un œil exercé, les mille cellules assemblées selon des lois complexes pour former un tout; un quartier vertical.
Source: www.world-architects.com
L'édifice a les apparences de la massivité. Mais la construction est d'argile expansée, matériau d'une grande légèreté, sur une structure de bêton armé.
- Texte: Pierre Joly "L'Œil - Revue d'Art - N°246/247 - Janvier/Février 1976":
Qui sort de Barcelone par la "Diagonal", la voie qui mène à Madrid et à l'Andalousie, ne peut manquer de voir surgir sous ses yeux, à peine franchies les limites de la ville, un formidable massif de brique rouge, se dressant comme un récif au-dessus de la marée basse des sheds et dominant de toute sa hauteur le désordre affairé d'un paysage industriel. C'est la première tranche d'une opération immobilière dont l'architecte - aussi le promoteur - est l'atelier d'architecture (Taller de arquitectura) qu'anime Ricardo Bofill. Il s'agit de logements à bon marché, destinés à la classe moyenne et qui seraient classés, en France, dans les catégories supérieures du logement "social". Tout de suite, il faut avertir le lecteur Français que la situation du logement social est très différente, en Espagne, de ce qu'il connait ici. Les institutions publiques ne prennent qu'une faible part à la construction des logements populaires et le plus gros de l'effort - et des profits - est laissé à l'initiative privée. Le bon marché de la construction (d'ailleurs de qualité médiocre), les densités admises, nettement plus élevées que les nôtres, l'opportunité de construire sur des terrains encore proche de la ville et qui n'exigent pas de lourdes dépenses d'équipement, une clientèle surtout ouvrière et qui apporte avec elle ses traditions de vie urbaine: tout cela laisse une marge d'initiative et permet l'innovation. Les quartiers périphériques de Barcelone en fourniraient bien des exemples. La construction du quartier Gaudi (Barrio Gaudi) à Reus avit permis au Taller de Arquitectura de faire une entrée remarquée sur ce terrain d'expériences.
Au contraire de l'urbanisme rationaliste, qui oppose à la ville historique des modèles idéaux: Cités jardins, villes radieuses, les conceptions de Ricardo Bofill et de son équipe trouvent leur source dans l'observation des villes existantes et de leur évolution. Alors même que ces idées se frayaient un chemin difficile, dans la marge de règlements contraires, l'Atelier mettait en pratique une critique radicale des doctrines de l'urbanisme, qui "paralysent les rapports sociaux" et ne peuvent produire que la ségrégation. "L'îlot", modèle d'organisation urbaine hérité du siècle dernier, est "fermé sur lui-même". Il laisse sans solution les problèmes d'orientation, d'ensoleillement et d'indépendance des logements. Mais le "bloc", forme type de l'urbanisme "ouvert", a le défaut contraire: La discontinuité. Cette nouvelle manière de penser ne pouvait s'accommoder des formes architecturales héritées du "style international". Ricardo Bofill rejetait avec raison le dogme selon lequel la forme peut se déduire de la fonction ou d'un quelconque contenu social. Les formes ont leur propre histoire et l'invention doit suivre son chemin, qui n'est pas nécessairement celui de la réflexion théorique, même s'il importe qu'à la fin l'une et l'autre soient en parfaite harmonie. L'évidence des schémas rationalistes devait donc être rejetée: la façade des immeubles ne devait pas traduire en clair l'organisation intérieur. Celle-ci devait être assez complexe pour éviter cette lisibilité qui dépouille l'habitat de son mystère et l'habitant de sa personnalité.
Pour ces recherches formelles, l'Atelier d'architectures a su mettre à profit la nouvelle approche mathématique des combinaisons spatiales. A Walden 7, les modules élémentaires, sensiblement cubiques, sont assemblés par décalage spatial en "cycles" qui peuvent ensuite être combinés entre eux, dans les trois dimensions. Ces combinaisons font ressurgir une disposition dont l'architecture a fait de tout temps un large usage: la symétrie. Mais celle-ci n'est pas mise a profit pour rendre la forme plus lisible, mais tout au contraire comme un des moyens de la complexité. L'architecture est en quête d'une perfection nouvelle, d'un ordre plus élevé. Le Barrio Gaudi témoignait des premiers résultats de ces recherches. Mais c'est a Walden 7 qu'elles trouvent leur accomplissement. De l'une à l'autre réalisation, les redites sont l'exception. Ce qui importe n'est pas le style, qu'il faut "casser", comme le dit Ricardo Bofill, mais bien la pensée, donc la continuité est évidente. Tout modèle, une fois divulgué, se vulgarise. Les formes, pour rester vivantes, doivent indéfiniment se renouveler. A Walden 7, c'est donc la ville elle-même qui semble s'inventer à neuf, avec une force d'imagination prodigieuse. Les voies de l'invention architecturale sont, bien sûr, difficiles à pénétrer. Sans qu'on puisse suivre, de ceci à cela, un chemin clairement tracé, il est pourtant permis de se convaincre qu'une telle architecture ne pouvait naître, ne pouvait être imaginée que sur le fond du paysage de Barcelone, encore marqué par les rêves féconds de Gaudi. Le tarrain choisi, celui d'une ancienne cimenterie, dont les fours, silos, la cheminée gigantesque restent debout, semblait s'offrir tout naturellement aux architectes comme terrain d'expérience et de réflexion.
"De même que la forêt vierge, écrit Taller, envahit en la recouvrant une ancienne ville, relique d'une civilisation morte; ici le nouveau groupement urbain conquiert et recouvre de ses bâtiments, les vestiges d'une industrie, aux abords d'une grande ville...". La métaphore est expressive. Je lui préfère pourtant celle d'un géant madrépore humain, massif et pourtant tout traversé d'air et de lumière. C'est une image urbaine, la seul sans doute qui offre une alternative à l'éclatement de toute vie collective dans la dispersion des banlieues et des grands ensembles. Les patios forés du haut en bas de l'édifice, comme des puits tout revêtus d'azur, vont s'animer du jaillisement des fontaines et aussi des allées et venues, des rencontres sur les coursives, accrochées aux parois à toute hauteur. Les balcons donneront le spectacle de la ville, bruyante et poussiéreuse vision de Far-West industriel. Les terrasses seront pour le ciel et les collines, à l'horizon. L'habitation prendra pour soi tous les fantasmes, toutes les imaginations. Ainsi seulement sera-t-elle véritablement habitée.
Source: www.world-architects.com
Source: www.world-architects.com
Design Paco Rabanne. Source: space-age-planet.tumblr.com
Bonne idée la photo dans le miroir ;)
RépondreSupprimerla photo dans le miroir ? Tu ne confond pas avec les photos avec objectif "Fish Eye" ?
SupprimerFranchement angoissant. On dirait une termitière. Je n'aimerais pas habiter là-dedans.
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