Architectes: Robert Demartini, Pierre Junillion ou Junillon
Ingénieur: Nicolas Esquillan
Intégration: Jean Dewasne
Construction: 1967
Part.1 par Yann Cracker:
http://astudejaoublie.blogspot.fr/2013/10/grenoble-stade-de-glace-demartini.html
Texte: François Mathey, Conservateur du Musée des Arts Décoratifs.
Plaisir de France - avril 1968
Le Centre National d’Art Contemporain a bien voulu réserver au Musée des Arts Décoratifs le privilège de présenter à Paris, avant son installation définitive à Grenoble, la grande décoration murale conçue par Jean Dewasne pour le Stade de Glace de la ville. Avec les oeuvres nouvelles de Calder, de Vasarely, de Bischoffshausen et de Lardera, réalisées dans le cadre du 1 % avec celles du Symposium, avec celles de Gilioli, Hadju, Manessier, Ubac pour l'Hôtel de Ville, Grenoble poursuit sa vocation de capitale de l'art moderne.
Les murs de Jean Dewasne donnent enfin bonne conscience. Enfin de l'art qui s'avoue
décoratif sans honte et sans complexe. L'art
décoratif, comme on le connaît trop, était une
manière habile de remplir des surfaces avec ce
clin d'oeil aux créateurs qui faisait quelquefois
illusion, mais ce décor de circonstance était
fatalement insignifiant puisque dépourvu de
signes, donc de signification. Mais comme aux
grandes époques, la peinture de Dewasne est
à la mesure de l'idylle que nous propose le
monde moderne, chargée de la joie de l'effort,
intense dans sa conception, parfaite dans son
action. On la croit géométrique, ce qui laisserait
supposer qu'elle est froide comme une équation
alors qu'elle est essentiellement lyrique : dynamique
dans son développement et dans sa force
intérieure, sensible par la quantité, l'intensité
et l’agencement de ses configurations chaudes
et souples.
A propos des peintures de Dewasne, Arp
s'émerveillait : « Leur gaieté, leur apparence
antitragique, anticrasse, ne semble pas vouloir
avouer que cette racine plonge dans la modernité
absolue, dans l'infini.» Mais c ’est Le Corbusier
dont nous exposions ici même en 1962 le grand portail en émail de Chandigarh qui comprenait
le mieux la fonction de la peinture monumentale
dans l’architecture contemporaine, non
pas intégrée à la manière d'un otage, c'està-
dire absorbée, mais en contrepoint, parallèle,
majeure à sa manière. Et au moment de la
présentation de « l’Açothéose de Marat » en
1951, Le Corbusier déclarait déjà : « Sur le
plan littéraire, sur le plan physique, sur tous
les plans, l'idée conduisant à la poésie s'exprime
par le verbe, le mouvement, la forme, la couleur,
le son. Ceci fait le style, ou si vous voulez, le
style apparaît à ce moment et il est bon ou mauvais.
La poésie surgit ou ne surgit pas. L'art est
manifeste ou ne s'est pas manifesté. Par le
dedans, explosant, surgissant non par des passementeries
brodées ou sculptées sur des thèmes
sociaux, religieux ou politiques, cynégétiques
ou amoureux, commerciaux ou économiques...
J'ai dit : l'art s'est manifesté. »
On disait que Dewasne était un précurseur,
mais on ne le savait guère, car il est discret.
Il fallait qu’une grande commande, à sa taille,
révèle enfin sa présence et sa force.