Paris - Appartement de Ionel Schein
Architecte: Ionel Schein
en colaboration avec Claude Demoulain, Dirk Jan Rol et Janine Abraham.
Photos: 1966
Un Appartement d'avant garde - Des choix audacieux et des idées utiles à retenir.
textes et photos: Arts Ménagers - septembre 1966.
Voici l'appartement d'un architecte contemporain, lonel Schein, construit pour lui-même en collaboration avec Claude Demoulain, Dirk Roi et Janine Abraham. C'est, au dernier étage d'un immeuble parisien, un appartement de 107 mètres carrés bénéficiant de ce luxe : 45 mètres carrés de terrasse. C'est déjà un grand appartement mesuré aux maigres moyennes françaises, mais ce n'est pas non plus un palais : c'est la surface d'une petite villa et ce pourrait être une villa en effet. Au total, rien d'exceptionnel en surface et en prix. Ce qui est exceptionnel, par contre, c'est le plan. Il a été dessiné pour permettre d'abord /es mouvements des habitants : certaines cloisons semblent moulées sur le corps (la salle de bains, par exemple) ; ensuite, pour faciliter chaque activité de la meilleure manière possible : par exemple, la chambre à coucher est très isolée, le bureau aussi, mais pas de la même manière; l'une est faite pour l'intimité, l'autre pour le recueillement : les formes changent. Le plan a été conçu aussi pour profiter au maximum de l'espace : dans la grande pièce, rien n'arrête la vue brutalement; elle est à la fois isolée et ouverte sur une partie de l'appartement en offrant des perspectives variées ; enfin, c'est un appartement fait pour le plaisir des yeux. C'est l'ambition de l'architecture d'offrir, dans un simple logement, la beauté des formes, de la lumière et de l'ombre réservée pendant des siècles aux palais. Dans cet appartement, l'architecte a joué avec les formes des cloisons, avec les lumières naturelles et artificielles, avec les matières parfois brutes, parfois lisses, depuis le simple béton jusqu'au tissage ou au bois.
Techniquement, cette recherche de plan est possible parce qu'aucune cloison n'est indispensable à la solidité de la construction qui dépend seulement d'une charpente couvrant tout l'espace. L'architecte a pu disposer librement les différentes pièces de l'appartement en les séparant ou en les faisant s'interpénétrer suivant les besoins des habitants. C'est le principe du plan libre qui pourrait être appliqué dans presque toutes les constructions neuves avec des résultats extrêmement variés si nous n'étions pas prisonniers souvent des habitudes (et parfois du prix de revient).
La forme curieuse de ce bureau est née du désir de l'isolement indispensable à une personne qui travaille; c'est un coquillage : on n'y entre pas facilement, lorsqu'on s'y trouve, on y est bien. La paroi courbe produit dans la grande pièce un effet architectural extrêmement frappant.
LA GRANDE PIECE : deux grandes baies ouvrant sur la terrasse et de grandes jardinières. Autour de la pièce une longue banquette, à la fois marche d'accès à la terrasse, siège, étagère; les tableaux sont simplement posés le long des murs en composition qui peut toujours être modifiée. C'est un peu la tradition japonaise de l'exposition des Kakémono : contrairement à l'habitude européenne, les œuvres d'art ne sont pas exposées d'une manière permanente mais montrées pour un temps, puis rangées et remplacées par une autre au gré du goût ou de l'humeur du moment. Remarquez sur cette photographie : la grande dimension des objets (et leur petit nombre), le tapis de grosse texture couvrant tout le sol; ces choix contribuent à « élargir l'espace » de la pièce et à mettre en valeur les meubles et leurs formes. Devant les baies vitrées, sur la terrasse, on a disposé de grandes jardinières plantées d'arbustes : des jardins miniatures peu coûteux et d'entretien facile mais avec une dimension à l'échelle de l'ensemble (voir nos photos de la terrasse, page suivante) ; ce sont aussi des moyens de faire écran devant les vues peu agréables ou indiscrètes toujours à craindre dans une ville.